Accidents thrombo-emboliques : le vaccin d'AstraZeneca est-il en cause ?
Les informations contenues dans cet article ont évolué depuis sa publication. Pour des informations actualisées, vous pouvez consulter cetarticle du 19 mars 2021ou cetarticle du 23 mars 2021.
Autorisé le 29 janvier 2021 par l'Agence européenne des médicaments (EMA), le vaccin COVID-19 Vaccine AstraZeneca peut être utilisé à tout âge chez les adultes.
Coup sur coup, en quelques jours, plusieurs pays ont décidé de suspendre l'utilisation de ce vaccin après la survenue d'accidents thromboemboliques chez quelques unes des personnes vaccinées. L'Autriche a tout d'abord annoncé, le 8 mars, avoir interrompu l'utilisation d'un lot de vaccin (ABV5300) suite au décès d'une infirmière de 49 ans ayant présenté une thrombose disséminée et à l'hospitalisation d'une autre personne pour embolie pulmonaire. Immédiatement, l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie et le Luxembourg ont également mis ce lot de vaccin en retrait mais poursuivi l'utilisation des autres lots.
Dès le 10 mars, une enquête préliminaire menée en urgence par le comité de pharmacovigilance de l'EMA (Pharmacovigilance Risk Assessment Committee - PRAC) a conclu à l'absence de responsabilité du vaccin dans le décès survenu en Autriche (1). L'agence se base sur un chiffre de 30 cas de d'événements thromboemboliques rapportés au système EudraVigilance à la date du 10 mars, sur plus de 5 millions de personnes déjà vaccinées, soit une incidence qui n'est pas différente de l'incidence en population générale dans la zone géographique concernée (Union Européenne, Norvège et Islande). L'EMA précise en outre que les accidents thromboemboliques "ne font pas partie des effets indésirables connus" du vaccin.
Le 11 mars, le Danemark, qui déplore également plusieurs accidents thromboemboliques dont un décès chez des vaccinés, la Norvège et l'Islande ont cessé totalement d'utiliser le vaccin AstraZeneca, dans l'attente des résultats des enquêtes menées par les agences nationales et internationales. Les autorités de ces pays ne considèrent pas a priori que le vaccin soit responsable des accidents observés, mais elles souhaitent, "par précaution", que l'enquête de pharmacovigilance soit complétée. L'Italie a de son coté cessé d'utiliser un autre lot de vaccin, le lot ABV2856, en raison de la survenue de deux accidents mortels dont les causes ne sont toutefois pas établies. Le 12 mars, c'est la Thaïlande qui a annoncé retarder le lancement de sa campagne de vaccination utilisant le vaccin d'AstraZeneca, dans l'attente là aussi des conclusions des enquêtes, alors que la Bulgarie suspendait à son tour l'utilisation du vaccin.
La France, l'Allemagne ou le Royaume Uni ont fait le choix de continuer à vacciner, considérant d'une part que la responsabilité du vaccin dans ces accidents n'est pas établie à ce stade, et d'autre part, que le bénéfice attendu de la vaccination, alors que l'épidémie ne faiblit pas, l'emporte largement sur les risques éventuels. L'EMA a fait savoir que le vaccin COVID-19 Vaccine AstraZeneca peut continuer à être utilisé pendant que l'enquête se poursuit et s'étend, à la recherche d'une éventuelle responsabilité du vaccin ou des lots incriminés.
La maladie thromboembolique est une pathologie multifactorielle et des cas se produisent régulièrement en population générale. En 2014, elle a été à l'origine de près de 130 000 hospitalisations en France. Elle peut survenir avant l'âge de 25 ans, mais elle est 100 fois plus fréquente après 85 ans. D'après Santé publique France, les principaux facteurs de risque sont l’âge, le cancer, la chirurgie, l’immobilisation, les troubles de la coagulation, l’obésité et la grossesse. Les pilules contraceptives constituent également un sur-risque de thrombose veineuse, surtout dans la première année d'utilisation. Il n'est donc pas surprenant que des cas aient été observés chez des personnes après leur vaccination et les enquêtes en cours devront déterminer si leur fréquence a été plus élevée que parmi les personnes non vaccinées ou vaccinées avec un autre vaccin. Pour certains observateurs, la décision du Danemark apparait comme une "approche super-prudente", qu'aucun lien de causalité ne vient pour l'heure justifier. Elle sera ré-évaluée dans deux semaines, mais son impact sur la campagne de vaccination est d'ores et déjà évalué à un mois et demi de retard sur le calendrier prévisionnel établi.
Rien donc ne permet à ce stade de tenir le vaccin COVID-19 Vaccine AstraZeneca pour responsable des phénomènes de thrombose qui sont à l'origine des précautions prises par plusieurs pays. Est-ce que le vaccin pourrait toutefois avoir joué un rôle ? Tous les vaccins induisent une réponse inflammatoire, à des degrés divers selon leur nature et des facteurs individuels. Cette réponse est à l'origine des effets indésirables les plus fréquemment observés, rougeur et douleur localisées, parfois fièvre, myalgies, syndrome grippal, céphalées. Il n'est pas exclu que les mécanismes mis en jeu puissent intervenir, associés à des facteurs individuels de prédisposition, pour favoriser la formation de caillots sanguins dans le système veineux.
Une telle possibilité reste toutefois à démontrer, car l'EMA indique qu'elle n'a pas été observée lors des essais du vaccin qui ont inclus à ce jour plusieurs dizaines de milliers de personnes. De son coté, la Food and Drug Administration (FDA) américaine, dans son analyse des essais cliniques du vaccin anti-covid 19 de Janssen (un vaccin proche du vaccin d'AstraZeneca par sa technologie), a identifié des accidents thromboemboliques en nombre légèrement plus élevé dans le groupe ayant reçu le vaccin que dans le groupe placébo (2). Ces accidents sont restés très rares (0,06 % et 0,05 % de fréquence dans les deux groupes, respectivement), et très variables dans leur gravité (de la thrombose hémorroïdaire à l'embolie pulmonaire). La préexistence de facteurs de risque chez les victimes n'a pas permis d'identifier un rôle éventuel du vaccin.
A ce jour, les données disponibles indiquent que l'effet de vaccins du type du COVID-19 Vaccine AstraZeneca sur les événements thromboemboliques, s'il existe, reste très marginal. Il fera toutefois, comme tout autre effet potentiel, l'objet de la surveillance des campagnes de vaccination dans laquelle tous les pays et les agences de régulation sont engagés. Si un effet était avéré, il pourrait alors justifier une contre-indication des vaccins incriminés chez des personnes présentant des facteurs de prédisposition identifiés.
Références